Thursday, December 16, 2010

2010.12.40

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Kai Brodersen, Ich bin Spartacus: Aufstand der Sklaven gegen Rom. Geschichte erzählt. Darmstadt: Primus Verlag, 2010. Pp. 100. ISBN 9783896788239. €12.90.

Reviewed by Jean A. Straus, Université de Liège

C'est un excellent petit livre sur Spartacus que nous offre K. Brodersen. Étant donné la collection dans laquelle il est publié, il semble destiné avant tout à un vaste public cultivé, mais le savant peut s'en servir pour rafraîchir rapidement ses connaissances sur le sujet et retrouver les sources principales en traduction allemande. Personnellement, je le donnerais à lire aux adolescents des classes d'enseignement secondaire: il se lit aisément et est conçu avec un grand sens de la pédagogie. En effet, l'auteur prend bien soin d'expliquer tout ce qui est nécessaire à la bonne compréhension du thème abordé. Une page est consacrée au vocabulaire technique latin que l'on rencontrera dans la suite de l'exposé (par exemple familia, latifundia, uilicus). L'auteur fournit aussi les informations sur l'esclavage qui seront utiles pour comprendre la révolte conduite par Spartacus. Il traite ainsi des sources de l'esclavage (conquête, reproduction naturelle, piraterie), des conditions pénibles infligées aux esclaves qui entraînent parfois le suicide, plus souvent la fuite (développement sur la notion de fugitif), des ouvriers agricoles et des bergers de l'Italie méridionale et de Sicile qui, avec les fugitifs, fournissent le gros des esclaves en révolte. Il écrit encore sur les gladiateurs qui forment le noyau du soulèvement conduit par Spartacus. Il rappelle le cas de l'esclave fugitif Drimakos qui, si l'on en croit la légende, est devenu roi d'un État fait d'esclaves. D'autres leaders de révoltes serviles seront proclamés roi. Mais, surtout, il décrit et explique les soulèvements serviles, tous les soulèvements serviles de l'époque républicaine et pas seulement celui du plus célèbre des gladiateurs (celui-ci n'occupe que 41 pages sur un livre de 100). Plus exactement, K. Brodersen s'efface derrière les auteurs antiques, grecs et romains, auxquels il cède la parole. Ce sont donc ces derniers eux-mêmes qui racontent les guerres serviles. K. Brodersen, lui, introduit le sujet, établit le lien entre les extraits d'auteurs antiques, apporte les précisions requises. C'est Tite-Live qui rapporte un seruilis tumultus en 198 aux environs de Rome, une coniuratio seruorum en 196 en Étrurie, des troubles dans le sud de l'Italie entre 190 et 184, un grand motus servilis en Apulie en 185 et des coniurationes de bergers en 184. La qualification de bellum ciuilis est réservée aux soulèvements de grande envergure. Ainsi en est-il des deux guerres serviles majeures qui sont traitées chacune dans un chapitre. La première débute en Sicile en 136 et se termine en 132. Elle est menée par Eunous, un esclave d'origine syrienne, qui se proclame roi sous le nom d'Antiochos. Pour l'illustrer, l'auteur laisse la parole à Florus (II, 7, 1-8) et à Diodore (XXXIV/XXXV, 2, 1-23). Pour la seconde guerre servile, qui sévit en Sicile de 104 à 100, c'est surtout Diodore qui est appelé à la barre (Diodore XXXVI, 3, 3-6 ; 4, 1-8 ; 5, 1-4 ; 7,1-4 ; 8, 1-9, 1 ; 10, 1-3). Ici aussi les meneurs — Salvius, qui prend le nom de Tryphon, et Athénion — sont proclamés rois. Ces révoltes siciliennes concernent des esclaves bergers ou ouvriers agricoles parqués dans des ergastules. La révolte de Spartacus (73-71) part d'une école et caserne de gladiateurs située à Capoue. Mais Spartacus (et Crixus) entraînent à leur suite ouvriers agricoles et fugitifs d'Italie. Le bellum Spartacium a tellement marqué les esprits que les auteurs antiques — surtout les plus proches des événements — ont parfois projeté leur 'Phantasie' dans leur récit. Suivant sa méthode, K. Brodersen donne les textes en traduction tout en étant particulièrement attentif à rectifier les informations contestables. On a ainsi droit à des extraits de Tite-Live (Periochae 95-97), Florus (II, 8, 1-14), Appien (Guerres civiles I, 116-121) et Plutarque (Pompée 21). L'auteur se demande s'il est possible de déterminer les buts que poursuivait Spartacus en se révoltant. La liberté pour lui-même? Le retour dans sa patrie? L'établissement d'une nouvelle forme de société? La révolte des esclaves contre Rome? Les textes antiques contiennent des éléments en faveur de chacune de ces propositions. K. Brodersen pose ensuite la question de savoir comment Spartacus est passé du statut d'ennemi de Rome à celui de héros. Plutarque, le premier, donne une image assez favorable de Spartacus (Crassus 8-11). L'auteur pense que Plutarque, originaire de la partie hellénophone de l'empire romain, pourrait avoir des sympathies pour Spartacus qui a la même origine. 'L'auteur grec Plutarque … présente donc un homme qui est grec comme bien des Grecs et dont la rhome (force physique) est plus grande que celle de bien des membres de l'empire de Rhome (Rome) — un jeu de mots qui saute aux yeux dans le texte original grec.' (p. 84) Il poursuit l'explication. Les chapitres sur Spartacus se trouvent dans la biographie de M. Licinius Crassus. Dans son œuvre, Plutarque dépeint avant tout des caractères. Par sa cupidité et son ambition, Crassus apparaît chez Plutarque comme le moins séduisant des généraux et politiciens. Spartacus est construit par le biographe comme une 'contre-image' de Crassus. Or, à l'époque moderne, les biographies de Plutarque sont plus lues que les histoires de Tite-Live ou Appien. C'est donc l'image de Spartacus laissée par Plutarque qui est retenue. Le livre se termine par la survie de Spartacus dans la littérature, le théâtre, l'opéra, le cinéma, la politique (Toussaint Louverture, Karl Marx, les idéologues et dirigeants de l'U.R.S.S. et des démocraties populaires). De nombreux encadrés enrichissent l'information (par exemple: inscription d'Aulos Kapreilios Timothéos [SEG XXXVI 587]; représentation d'un combat de gladiateurs et inscription sur un mur de Pompéi [CIL IV 10237]; une monnaie d'Eunous Antiochos [sans référence]; Spartacus (?) sur un dessin mural de Pompéi [sans référence]).

La caractéristique principale de ce livre consiste en la présence de très nombreuses citations d'auteurs antiques en traduction allemande, citations parfois très longues. Par exemple, Columelle et Varron sont cités sur une page et demie (p. 14-15 et 24-25), Florus sur deux pages et demie (p. 62-65), Plutarque sur sept pages (p. 76-82). Ce recours aux sources et l'attention que l'auteur porte à leur présentation constituent la qualité primordiale de l'ouvrage qui, rappelons-le, n'est pas destiné aux spécialistes de la question, mais aux lecteurs férus d'histoire.

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